Les Vignes d’Haillicourt

Haillicourt | Terril - Viticulture

Les Vignes d’Haillicourt Utiliser un terril pour faire pousser des vignes avec pour objectif la commercialisation d'un vin mis en bouteille et produit localement

Vendanges du millésime 2017 du Charbonnay - Crédit Euralens, photo Pidz

La robe est limpide et d’une couleur jaune pâle. En bouche, la matière est présente. Il est droit, équilibré, suave avec beaucoup de fraîcheur et une vraie rondeur. Il possède déjà beaucoup de distinction. Cette dégustation ne concerne pas un grand vin blanc bourguignon. Il s’agit du Charbonnay millésime 2016 mis en bouteille à l’automne 2017 et livré à quelques privilégiés.

Un crassier devenu terroir d’exception

Il y a quelque chose d’émouvant à déguster ce nectar dont a été vendangé cet automne le 6e millésime. Les quelques 700 bouteilles non encore commercialisables du 2016 sont issues des 2 500 pieds de Chardonnay plantés sur le terril 2 bis d’Haillicourt. Des vignes sur un terril : qui aurait osé ? Qui aurait pu demander à la mine, sinon qu’elle nourrisse l’homme une deuxième fois, du moins qu’elle le désaltère ?

Cet original se nomme Olivier Pucek né il y a 52 ans à Bruay-la-Buissière non loin du 2 bis. Ni fils de vigneron ni enfant d’œnologue, il a d’abord suivi des études d’urbanisme à Lille avant de partir pour Cognac. Il dirige aujourd’hui l’office HLM départemental de Charente, Logélia, et fait partie de cette dizaine de vignerons passionnés qui vivent au milieu du Cognac. « Je suis venu au vin par la connaissance des plantes » explique ce passionné. « Nous sommes dans le sud-ouest et tout le monde plante des cépages bordelais : Merlot, Cabernet Sauvignon. Alors j’ai voulu essayer autre chose. » Le domaine est petit mais les vins sont grands. Une cuvée Gamay et une en Pinot noir, guère plus de 6 000 bouteilles dont certaines viennent d’entrer dans les caves de restaurants étoilés. Olivier Pucek ne vit pas de ses vignes mais il a investi dans du matériel de grande qualité qui lui permet, avec sa patte originale et surtout l’aide de deux vignerons qui l’ont suivi dans l’aventure, dont Henri Jammet, de produire des vins structurés et identifiés.

Audace, passion, abnégation

C’est avec cette curiosité insatiable qu’il se lance dans l’aventure du Charbonnay, accompagné par Henri Jammet. En 2011, les premiers pieds sont plantés à Haillicourt. Le choix se porte sur un type de Chardonnay peu vigoureux mais précoce. Le terroir grès et schistes du carbonifère se prête bien à cette tentative hors normes. Le sol noir pentu et particulièrement filtrant n’est pas très fertile. Mais il est très homogène, il absorbe la chaleur et la restitue. « La vigne pousse modestement et c’est très bien, elle préfère largement les sols pauvres » confie Olivier Pucek. Pour installer le vignoble, il faut tout monter à dos d’homme. La pente oblige à travailler intégralement à la main d’où un coût élevé. Pour les vendangeurs, des caissettes légères sont spécialement conçues.

Le labeur trouve sa récompense lors de la première vendange en 2013. Le résultat est modeste : 110 litres. La production est doublée l’année suivante et atteint 340 litres en 2016. « Avec ce climat, on savait que nous pouvions faire un très bon blanc » assure le vigneron. Il remarque aussi que le territoire subit les effets du réchauffement climatique. « En principe on vendange toujours aux alentours du dernier week-end d’octobre. Cette année on a récolté avec un mois d’avance ». Les autres soucis sont mineurs et causés par les lapins. Nombreux sur le site, ils apprécient particulièrement les grains de raisin. Il a fallu électrifier le périmètre.

Vers un modèle économique

Intéressée par ce vin des terrils, la Commune d’Haillicourt s’associe à la démarche. La vinification s’opère au presbytère de l’église locale où sont rangés racleur pour égrapper les rafles, pressoir, cuves et fûts de 220 litres confectionnés par un maître tonnelier de Bourgogne. « Nous développons ce projet comme une affaire professionnelle. Nous ne sommes pas venus ici pour le folklore », affirme Olivier Pucek. Cette année, 500 nouveaux pieds sont plantés. « Il existe un fort potentiel de développement. D’ici quelques années nous pouvons très bien produire 10 000 bouteilles par an. » Il a déjà repéré une parcelle située dans le golf d’Olhain : du bon calcaire pentu qui pourrait permettre de produire un deuxième vin meilleur marché. Dès 2018, grâce à une autorisation de commercialisation, le grand cru des terrils d’Haillicourt est appelé à s’inviter plus souvent aux tables des amateurs.

ATOUTS

Ce projet économique est un symbole de reconversion. Sur un terril, emblème du patrimoine minier du territoire, se développe une nouvelle activité qui vise l’excellence. Et plutôt que de figer les choses, ce patrimoine peut être un support d’innovation. Ce Charbonnay est une illustration de la mutation du territoire, dans sa transition « de l’archipel noir à l’archipel vert ».

Repères :

Porteur du projet :

SARL Les Vins Audacieux

Partenaires :

Ville d’Haillicourt

Calendrier :

2011

premières plantations (10 000 pieds sur 2 hectares)

2013

premières vendanges   

2018

500 pieds supplémentaires et autorisations de commercialisation.